lundi 4 juillet 2016

LE BANC

LE BANC


C'est un simple rectangle de béton de 150 X 40 x 10 soutenu par deux pieds de béton de 30 X 30. Petit, quand j'y étais assis, je pouvais balancer les pieds sans toucher le sol. Maintenant je peux toucher mes genoux avec le nez sans trop me plier. C'est ainsi, mon nez et le sable des dunes ont pris de plus en plus d'espace dans les taux d'occupation balisant une vie. Depuis environ soixante ans, il s'ensable (le banc, pas mon nez) devant ma piscine privée, là où la Manche et l'Atlantique mélangent dans des élans houleux la salive de leurs courants. Si le Concept est l'élément majeur de la valeur monétaire de l'art contemporain, alors ce rectangle de béton est un chef-d’œuvre hors de prix. Ce trône grossier a accueilli en quantité les paires de fesses des princes et des princesses du lieu, à différents âges de leur vie, tant il est vrai que de son assise, il offre un spectacle royal.
C'est aussi une chanson
Et chaque soir de la belle saison, à condition que l'acteur principal daigne se montrer – il est cabotin le bougre -, la représentation flamboie vers l'immuable fin. Il n'improvise jamais, il laisse le soin aux nuages de dialoguer avec les flots et contemple en s’enfonçant ses reflets toujours changeants. Le Soleil se croit éternel et sa vraie sa force tient à ce qu'il nous fait croire, en ces quelques minutes, que nous le sommes aussi. Alors, les maux d'amours, les corps qui lâchent, les crimes dans d'autres confins du monde, le passé, le futur, le présent, tout ça n'a plus de sens. Clap, clap, clap, merci l'artiste. Et que le ban(c) ne soit jamais fermé.

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