LE BANC
C'est un simple
rectangle de béton de 150 X 40 x 10 soutenu par deux pieds de béton
de 30 X 30. Petit, quand j'y étais assis, je pouvais balancer les
pieds sans toucher le sol. Maintenant je peux toucher mes genoux avec
le nez sans trop me plier. C'est ainsi, mon nez et le sable des dunes
ont pris de plus en plus d'espace dans les taux d'occupation balisant
une vie. Depuis environ soixante ans, il s'ensable (le banc, pas mon
nez) devant ma piscine privée, là où la Manche et l'Atlantique
mélangent dans des élans houleux la salive de leurs courants. Si le
Concept est l'élément majeur de la valeur monétaire de l'art
contemporain, alors ce rectangle de béton est un chef-d’œuvre
hors de prix. Ce trône grossier a accueilli en quantité les paires
de fesses des princes et des princesses du lieu, à différents âges
de leur vie, tant il est vrai que de son assise, il offre un
spectacle royal.
C'est aussi une chanson |
Et chaque soir de la
belle saison, à condition que l'acteur principal daigne se montrer –
il est cabotin le bougre -, la représentation flamboie vers
l'immuable fin. Il n'improvise jamais, il laisse le soin aux nuages
de dialoguer avec les flots et contemple en s’enfonçant ses
reflets toujours changeants. Le Soleil se croit éternel et sa vraie
sa force tient à ce qu'il nous fait croire, en ces quelques minutes,
que nous le sommes aussi. Alors, les maux d'amours, les corps qui
lâchent, les crimes dans d'autres confins du monde, le passé, le
futur, le présent, tout ça n'a plus de sens. Clap, clap, clap,
merci l'artiste. Et que le ban(c) ne soit jamais fermé.
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