mercredi 12 avril 2017

...CAR J'ÉCRIS DES CHANSONS.

« Plus tard, tu colleras sur papier tes pensées
Fleurs d'herboriste
ramassées quand il faisait beau temps au paradis perdu. »

Ces mots de Tristan Corbière, mon frangin de spleen, me sautent aux yeux alors que je feuillette, pour me déconcentrer de l'abattement moral que provoque chez moi toute échéance facturée, un bouquin d'érudit sur la vie du Crapaud. Je ne lis pas la poésie, je feuillette, elle m'est utile comme un verre d'eau.
Ces Fleurs d'herboriste, je les entasse depuis des années dans différents cahiers, quand ce n'est pas sur le dos d'une enveloppe, d'un carton de bière ou d'un paquet de clopes. Plutôt que mes pensées, trop broussailleuses pour entrer dans un herbier, je glane de-ci de-là, une expression qui swingue, une image, une vision soudaine, je ramasse, oui. C'est devenu un réflexe, un mouvement naturel, car j'écris des chansons.
Pas comme je respire, non, je ne suis plus la poule pondeuse que je fus. Il a fallu admettre le temps de l'oubli, de la digestion lente. Attendre qu'un jour une suite d'accords réhydrate la Fleur séchée. Pourquoi ce jour ? Parce qu'un rayon de soleil, parce qu'une voix, parce qu'un bon vin, parce qu'une sciatique, que sais-je ? Parce que c'est le jour où, mystérieusement, tout se conjugue.
« Mon amour à moi n'aime pas qu'on l'aime ». Cher Tristan, pardon, mais j'en ai fait un titre. J'avais noté ta saillie sur un relevé de banque et puis un jour, longtemps après, la chanson naquit. L'entre-temps avait fait de moi un piètre amoureux et un mauvais amant. Ce soir-là, je regardais une série américaine en grattant ma guitare. Et elle est venue, comme ça. Elle était finie avant le JT de la nuit. 

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