« Plus tard, tu colleras sur
papier tes pensées
Fleurs d'herboriste
ramassées quand il faisait beau temps
au paradis perdu. »
Ces mots de Tristan Corbière, mon
frangin de spleen, me sautent aux yeux alors que je feuillette, pour
me déconcentrer de l'abattement moral que provoque chez moi toute
échéance facturée, un bouquin d'érudit sur la vie du Crapaud. Je
ne lis pas la poésie, je feuillette, elle m'est utile comme un verre
d'eau.
Ces Fleurs d'herboriste, je les entasse
depuis des années dans différents cahiers, quand ce n'est pas sur
le dos d'une enveloppe, d'un carton de bière ou d'un paquet de
clopes. Plutôt que mes pensées, trop broussailleuses pour entrer
dans un herbier, je glane de-ci de-là, une expression qui swingue,
une image, une vision soudaine, je ramasse, oui. C'est devenu un
réflexe, un mouvement naturel, car j'écris des chansons.
Pas comme je respire, non, je ne suis
plus la poule pondeuse que je fus. Il a fallu admettre le temps de
l'oubli, de la digestion lente. Attendre qu'un jour une suite
d'accords réhydrate la Fleur séchée. Pourquoi ce jour ? Parce
qu'un rayon de soleil, parce qu'une voix, parce qu'un bon vin, parce
qu'une sciatique, que sais-je ? Parce que c'est le jour où,
mystérieusement, tout se conjugue.
« Mon amour à moi n'aime pas qu'on
l'aime ». Cher Tristan, pardon, mais j'en ai fait un titre. J'avais
noté ta saillie sur un relevé de banque et puis un jour, longtemps
après, la chanson naquit. L'entre-temps avait fait de moi un piètre
amoureux et un mauvais amant. Ce soir-là, je regardais une série
américaine en grattant ma guitare. Et elle est venue, comme ça.
Elle était finie avant le JT de la nuit.
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